une image
incessante
l'image de la
fonte
le cheminement en ligne droite
la fin de l’Arctique
qui goutte à goutte s’effrite
qui goutte à goutte fond
lente
la glace antique
dans son cercle
crie
cède sous la carcasse
des poids lourds
craque
l’Arctique où les rayons
se répercutent
dans leur propre regard
pour continuer leur route
pour faire le tour de la Terre
le sol gelé continue sa course
contre la montre
poursuit sa route
dans sa persécution subite
s’amincit d’une couche à l’autre
ce mantra répété
dans toutes les langues
dans tous les mots
où s’annoncent la perte
la fin
la
le dégel dans la bouche
le sel l’eau la débâcle
le sol figé en permanence
dans le lustre des siècles
en boucle la crise
comme une ritournelle
une toupie folle qui pivote
sur elle-même
la vérité crue claque
le sort de l’immanence
l'animal
le seuil du rivage s’esquive
sous le poids terrible de l’eau
et même si je ferme la bouche
le sel l’eau
et même si je ferme les yeux
très fort
je ne peux empêcher la dérive
la perte
la liquéfaction
à cause de moi
à cause de cette envie folle
de dévorer ce qui ne se mange pas
de dévorer jusqu’à la fin
à cause de toi
à cause de moi
à cause de la folie qui se perpétue
des siècles et des siècles durant
à cause de toi
et si je pars en courant
la course pour fuir la course
pour sentir l’air se refroidir
sur ma peau
pour sentir mon pouls battre
à tout rompre
je ne peux que m’unir à la terre
appeler à la révolte des fluides
à la résistance du souffle
à la volonté de durer
de perdurer
la volonté de
perpétuer
la vie
de
persister
dans l’étreinte
dans le même désir terrestre
de
à l'écroulement
la fonte, poème de Frédérique Dubé / Laboratoire de création en arts littéraires, Maison de la littérature, Québec, 2023, avec Yannick Guéguen, mentor / son de fond : le chant des glaciers, Ugo Nanni, CC-BY
~~~~~~~~~